Quand la greffe ne prend pas
SIÈGE D'EPICÉTOUT, SEPTEMBRE 2015
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« Eh les gars, vous avez vu le nouveau ? Ça ne s'arrange pas, j'ai encore croisé au silo un agriculteur qui m'a dit qu'il n'avait pas su reconnaître du vulpin », s'époumone Gilles dans un grand éclat de rire. « Il n'a même pas réussi à vendre de la chaux sur le secteur de Froid », s'esclaffe Pascal.
« Hé, moins fort les gars, le voilà », prévient Christian. Tous trois chuchotent à l'arrivée de Benjamin et, lorsqu'il les salue, ils se contentent de lever la tête. De formation BTS, ils ont chacun plus de dix ans d'expérience de vente et conseil.
Ingénieur agro perspicace et brillant, Benjamin a travaillé pendant trois ans à l'expé dans la coop voisine, après y avoir effectué son stage de fin d'études. C'est Luc, le directeur commercial, qui en avait eu de très bons échos et qui l'a contacté pour le faire embaucher comme TC chez Epicétout. C'était il y a deux mois.
En cette fin de journée éprouvante, Benjamin avait prévu de repasser au siège pour récupérer un argumentaire sur les amendements minéraux basiques. Il passe la mine déconfite devant la standardiste, Katia, et s'enferme dans le bureau des commerciaux pour prendre connaissance de la plaquette.
Quelques minutes plus tard, Luc le rejoint. « Salut Benjamin, alors ton p'tit pousse bien ? » « Mhoui », murmure Benjamin sans en dire plus.
« Benjamin, j'ai le sentiment que ça ne va pas, je me trompe ? » « Si, si, ça va. »
« Katia m'a dit que tu avais l'air tout tristounet. » « C'est difficile, craque-t-il. Je suis venu ici pour le contact avec le terrain, et au final je ne me sens pas très à l'aise avec les agriculteurs. C'est encore pire avec les collègues. Je ne sais pas comment te dire ça, mais ils m'impressionnent. Je n'ai peut-être pas trop été vers eux au début et je pense qu'ils m'en veulent de ne pas leur avoir demandé des conseils. Et ils doivent croire que je les snobe. Du coup, pardonne-moi l'expression, mais j'ai le sentiment qu'ils me taillent des croupières sur le terrain. »
« Oh, attends, y'a Pascal qui m'appelle. »
Se sentant une fois de plus écarté, et le coup de fil s'éternisant, Benjamin salue Luc de la main et décide de rentrer chez lui, penaud et frustré.
Renaud Fourreaux
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